lundi 25 janvier 2010

LE TOUR DU MONDE DU VOGUE : La mode porte-drapeau

Au delà du prestige et des atours bling bling de la revue ancestrale et officielle de la mode ( toujours devancée par le non moins pertinent "L'Officiel de la Mode" ) se cache un désir absolu de vanter les mérites de sa nation , un faire valoir propre à chaque pays . Aujourd'hui commercialisé dans une cinquantaine de pays , Vogue a désormais de multiples identités . Chic à Paris , Avant Garde en Italie , Hollywoodien outre Atlantique ou poétique en Chine , il est intéressant d'analyser les différentes stratégies de chacune de ces "versions" , qui ont toutes leurs atouts et leurs faiblesses . Enquête snob et fringuante , aux quatre coins de la planète :



VOGUE PARIS.  Grandes pointures et haute culture .

Que ce soit dans le choix des mannequins , des photographes ( Patrick Demarchelier et cie ) et des créateurs présentés , le Vogue français ne prend aucun risque, en privilégiant les enseignes qui ont déjà fait leurs preuves depuis des lustres . Raquel Zimmermann ou Daria Werbowy hissent ainsi fièrement le drapeau tricolore , habillées en Chanel ou Balmain. En matière de goût , les amateurs d'escargot ne se trompent ( presque jamais)  : littérature , arts ,cinéma , musique ; tout est passé au peigne fin : V.P reste ainsi la quintessence de l'élégance sur papier glacé sans rester dans le registre "mère-grand endimanchée" avec quelques effronteries signées par la "panthère Roitfield" . Un pari réussi pour un magazine auquel il manque toujours ce grain de folie , souci commercial oblige ...

L'analyse sociologique express : Les parisiennes privilégient la qualité et aiment se référer à des valeurs sûres . Les lectrices de Vogue sont majoritairement des femmes dynamiques de la capitale , travaillant dans le milieu artistique pour la plupart , et au revenu  très convenable . Si beaucoup n'achètent pas non plus les sélections proposées tous les jours ( dont les montres à 5 000 000 euros ! ) , l'esprit reste abordable et inspire  ces trentenaires stylées qui écument les soirées branchées et tiennent souvent un blog .




Vogue Italie : Belle indécence

La version la plus controversée de Vogue est italienne . Les éditos ne sont pas de simples séries modes : mais des films de genre . Sulfureux , chocs , évocateurs , les séries de Steven Meisel créent régulièrement la polémique . Atmosphère glauque , sexe omniprésent , on oublie presque l'objectif principal de V.I : présenter les nouvelles collections . A moins que l'objectif de la fantasque Anna Piaggi ne soit plutôt de déjouer les codes , de casser les habitudes et d'étonner le lecteur , de le bouleverser . V.I contourne le côté superficiel de la mode en donnant un certain enseignement grâce à ses visions cyniques du monde , où le glamour n'est pas toujours fait que de paillettes et de sourires immaculés . La vérité est en images , une sorte de parabole artistique romancée.




Vogue Nippon : Décadence sophistiquée

Les japonais sont perfectionnistes , c'est bien connu . Stylisme impeccable , casting atypique , décors somptueux et ultra modernes , les éditos de la version "kawaï" de Vogue n'ont à rien à envier à leurs concurents européens ou américains . Distribués en petite quantité , les numéros du Vogue Nippon coûtent une fortune en France ( 11 € ! ). Si les séries mode tantôt new wave ou tantôt grunge régalent les yeux , les articles , construits comme des mangas ( smileys et couleurs criardes ) ne sont guère intéressants . Reste que Vogue Nippon est un objet d'art en soit , à la fois insolite et futuriste , qu'il est toujours fascinant de feuilleter .

L'analyse sociologique express : Ultra branchés , les lecteurs de Vogue Nippon aiment à rester à la pointe , notamment au Japon où les tendances changent tous les jours . Curieusement , les Japonaises préfèrent néanmoins les créateurs Français ou Italiens , et délaissent souvent cette version de Vogue trop "funky" pour la version traditionnelle française. Pendant que nos amies nippones courent faire leurs emplettes chez Vuitton dans l'Avenue Montaigne , les Françaises et Français eux , épluchent avec curiosité ces mags bariolés disponibles chez Colette ou au 66 ( concept store des Champs Elysées ).



Vogue Russie : Souvenirs d'URSS

Le spectre communiste est encore là , les Russes le savent . La nouvelle noblesse Moscovite représente une clientèle potentielle , une version slave du célèbre magazine de "couture" se devait donc d'être crée . Hélàs , on ne peut pas dire que le stylisme russe est léger . Abondance de bijoux , couleurs aveuglantes , mises en pages désuètes , un numéro de 2009 ressemble à s'y méprendre à nos numéros des années 90 ! Un brin ringard , Vogue Russie abuse des artifices . Jusqu'à ces quelques mois , où la revue semble renaître de ces cendres avec quelques nouvelles photos concept , plus aérées mais au style froid 100 % russe , à l'esthétique unique . La Russie est également l'eldorado des "model scoot" ( casteurs de mannequins ) , il est donc simple pour l'équipe du "journal" d'engager Natasha , Vlada et les autres et d'ainsi bénéficier d'une certaine exclusivité . " C'est un honneur de représenter mes couleurs , je suis née ici , la Russie se fait une place , je tiens à contribuer à sa renaissance" , déclare d'ailleurs l'une d'entre elle .

Analyse sociologique express : En France , peu de personnes achètent Vogue Russie . Les couvertures souvent "cheap" n'attirent pas l'oeil , et la langue de Poutine effraie quelques uns . Les clientes aisées de Russie feuillettent de temps à autre la revue entre deux essayages de fourrures onéreuses , tel un vulgaire catalogue de présentation . Heureusement , V.R n'a pas dit son dernier mot ...



Vogue Allemagne : Fait Maison

Les Allemands revendiquent leurs racines , et ils le font savoir . La plupart des séries mode sont signées Peter Lindbergh ou Karl Lagerfeld , deux natifs du pays . Les mannequins ont également été élevées au Apfel Zaft ( Toni Garrn , Heidi Klum ) , à quelques exceptions près . Très classiques , les images de la version allemande de Vogue sont comme des tableaux , elles racontent des histoires : tout y est réfléchi , soigné , harmonieux . Les cadrages sont parfaits , presque ennuyeux . En plus de cette rigueur monacale , les articles passent scrupuleusement en revue les dernières actualités artistiques  . On regrette ce côté scolaire et un peu vieux jeu du magazine , qu'on retrouve également dans la version française. Pourtant , le Vogue Allemagne parvient à intéresser les lecteurs par son identité unique et sa valorisation des artistes allemands qu'on laisse trop souvent dans l'ombre.

Analyse sociologique express : C'est un fait , les Allemands peinent avec la mode,  et ce depuis toujours ! Heureusement , la relève s'avère plus passionante : la F.Week de Berlin a vu naître de nouveaux talents , et le nombre de concepts store grimpe tous les jours. Autre détail non négligeable : les regards des mannequins , les plus expressifs de toutes les versions du monde . Nos congénaires Munichois seraient-ils plus sensibles aux expressions ? Pensez à l'opéra , à la musique classique  : tout ça vient d'Allemagne .



Vogue Anglais : Anarchy in the UK .

Pas sûr que la reine l'ait sur sa table de chevet , mais Vogue UK est définitivement un mythe ! Des photos trash-punk ambiance Vivienne Westwood aux élucubrations fantasques de Tim Walker ou de Nick Knight , la version british du très rangé magazine explose , détonne . Les cottage sont habités de rebelles débraillées et les tea time sont rapidement détournés en rave esprit sex-pistols . Dommage que les derniers numéros commencent à s'essoufler , les rédacteurs misant sur le côté "bankable " , crise accuse . On somnole devant les shootings d'acteurs ou de chanteuses "commerciales" : pour combien de temps?

Analyse sociologique express : En ces temps de récession , les lecteurs mais aussi fans de mode se réfugient dans le style basique : des vêtements intemporels qu'on recycle ou n'achète qu'une seule fois . Vogue UK a alors mis un point d'orgue à ses excentricités,  faute d'argent mais aussi en dépit de ses "poussées d'adrénaline" . En attendant le grand retour de cette originalité picturale , on se rabat sur les archives que collectent les nombreux fans.



Vogue Américain : A l'assaut du style

Toujours plus vite , toujours plus grand : Vogue US tient à conférer une image royale à ses pages . Les photos d'Annie Leibovitz ou de Mario Testino y sont pour quelque chose , bien qu'on leur reproche parfois de manquer d'une certaine modestie , d'un certain minimalisme. C'est bien simple , tout est trop grand aux Etats-Unis : les sodas , les immeubles , les magasins , les chaussures , la longueur des robes , les voitures ...Sans jouer les anti-Oncle Sam , on peut néanmoins s'émerveiller devant la majestuosité de certaines séries , qui rendent souvent hommage aux légendes du cinéma , de la littérature , des icônes qui ont forgé et qui forgeront toujours un look .

Analyse sociologique express :  Vogue US est à l'image de sa rédactrice en chef : intouchable . Mais c'est justement cette raideur visible dans les séries mode , mais aussi dans la plume des journalistes qui faillit à la bonne lecture du magazine. Vogue US est comme un véritable Block Buster : Gros Budget , "Comédiens" de renom : ne manque plus qu'un esprit fauché et dérangé pour chambouler cet univers placide .



Vogue Chine : Arts Martiaux et fleurs de cerisier

Très oniriques , les contes de Vogue Chine ( régulièrement signés par Camilla Akrans par exemple ) présentent souvent des silhouettes très fluides , très féminines , presque ( trop ) romantiques . Depuis peu , la revue ose les casting multi-ethniques : des jeunes russes dansent ainsi avec des japonaises , telles des poupées volantes propres sur elles . Souvent en mouvement , les présentations chamarrées illustrent des articles quelque peu naïfs mais toujours amusants à lire ( une fois traduits ! ) .

Analyse sociologique express : Dans une société assez isolée et très érudite , Vogue Chine trouve naturellement sa place parmi les beaux kimonos et les jardins gracieux . Avec le temps , le magazine s'ouvre à la culture internationale et partage également son patrimoine grâce à sa publication quasi internationale .



Vogue Australie : L'effet Boomerang

En Océanie , la presse fait des bonds de kangourou . Beaucoup plus décontractée et déjantée que ses "correspondants " , la version australienne de Vogue aime valoriser les jeunes créateurs du coin en les mixant à des étoiles montantes du pays ou d'ailleurs . Côté mannequins , le pays a ses coqueluches : Gemma Ward , Catherine Mc Neil , Abbey Lee ... Cette version à saison inversée mise tout sur le vêtement en lui-même , et investit nettement moins dans les décors , coiffures et photos en elle-même . D'un côté créatif donc , on remercie donc plus les stylistes que les photographes , un peu banals même si les exemplaires font désormais un effet bommerang : Partout on aime les chevelures ondulées , les décors sea & surf . Car l'avantage de V.A c'est de rêver de plages exotiques au mois de Février !

Analyse sociologique express : Grâce à ses origines aborigènes , l'Australie puise dans ses influences tribales afin de créer une identité visuelle colorée , riche en imprimés et subtilement sauvage . Symbole de vacances , de voyages et d'exotisme , les univers crées par le magazine séduisent les européens et américains en polaires mais aussi les anti-conformistes ou plus réfractaires à l'esprit "snobo-prétentieux" des autres Vogue .



Vogue Portugal : Une Inventivité pimentée

Loin des clichés de sombreros et parures affriolantes , la mode Portugaise a de beaux jours devant elle . La Lisboa Fashion, semaine de la mode locale , attire désormais des acheteurs du monde entier . La particularité de Vogue Portugal ? Revisiter les folklores avec une imagination débordante et fuir cette volonté absolue de vendre les vêtements . Une stratégie risquée mais qui porte ses fruits , les éditos les plus originaux sont désormais portugais . Un petit magazine , mais un grand avenir , pensez-y lors de votre prochaine escale à Lisbonne .



Vogue Espagne : Calor !

Jamais vous ne verrez une photo de pull en col roulé dans un Vogue espagnol , c'est une tradition . Le célèbre éditorial "la Turista" révèlant Kate Moss en voyageuse ingénue ( 1996 ) est peut-être le coup d'envoi du style "Vogue Spain" . Construits comme des romans photos , les shootings sont quelque peu " vieillots" mais toujours baignés de cette sensualité hispanique chère au style de Madrid . La lumière , les couleurs , les mannequins et surtout les vêtements souvent 100 % espagnols y contribuent largement ...



Avis de disparition : Vogue Grèce coule , Vogue Hellas ne donne plus de signe de vie . Vogue Corée ne traverse plus les frontières ...


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