Je suis loin d'être une experte en cinéma italien mais il m'arrive de faire des soirées Cinecittà ( Fellini , Visconti , Rossellini ) en VO , des razzias de Dario Argento à la bibliothèque sur un coup de tête sans oublier les rediffusions de westerns spaghettis ( avec un plat de pastas justement ) sur TCM . J'aime cette langue déliée et chantante ( les Marcellooooo ( Mastroianni ) de la Dolce Vita ) qui m'a permis de comprendre les altérations de solfège et accessoirement de traduire le menu de la pizzeria ( le thème de la bouffe s'annonce extrêmement récurrent dans cet article , vous avez affaire à une véritable addict ).
Alors lorsqu'un film transalpin traverse la frontière ( entendez avec des sous-titres , j'ai fait Allemand 2ème langue ... ) , je me jette dessus sans regretter les compilations de Laura Pausini , exportations italiennes aussi tiédasses qu'un macaroni trop cuit . Comme en mode ou en musique , les Italiens ont tendance à ne pas lésiner sur l'exubérance et les paillettes . Mais résumer la pointure de la Botte à des fourreaux Versace ou des concerts d'Umberto Tozzi serait commettre un impair . IMPAIR , unique , est pourtant le terme qui décrirait le 7ème art italien .
L'unicité , la marginalisation , l'auteur Paolo Giordano en a fait le thème de son livre au titre quasi pléonastique récemment adapté au cinéma " La Solitude des Nombres Premiers". Comme d'habitude je n'ai pas lu le bouquin avant la séance pour ronchonner avec les spectateurs pointilleux sur la transposition à l'écran . Pour moi film et livre doivent restés dissociés , le second découlant librement de l'autre , empruntant ou non les mêmes sentiers narratifs et stylistiques . Avant de voir ce film , j'avais déjà en tête les thrillers synthé-tiques d'Argento . Je ne m'y étais pas trompée , le long métrage use ( et abuse ) des effets spéciaux "vintage" à coups de lumières , cris et musique horrifique ( dans tous les sens du terme ) .
C'est un genre un part , un film impair qui porte bien son nom . Le scénario ose les bonds en arrière et en avant , petit effet temporel qui n'a pas franchement plu à la presse . Et pourtant , cette chronologie disparate me parait justifiée tant elle est en accord avec l'esprit perturbé des deux héros .
Les personnages ont les traits décimés au fil de l'histoire , jusqu'à voir leur corps brutalement transformé dans la dernière partie du film ( une métamorphose qui rappelle les dures contraintes auxquels doivent se plier les acteurs pour incarner leur rôle ) .
Lugubres et mutiques , Mattia et Alice passent des années à s'effleurer pour à nouveau s'éloigner . On y revoit , en filigrane , les traumatismes adolescents ou apparus pendant l'enfance qui ont transformé ces deux êtres isolés en individus presque autistes . La force du film réside aussi dans l'interprétation des personnages secondaires : Viola , ado perverse dont la relation avec Alice demeure trouble ou la mère de Mattia ( campée par Isabella Rosselini , le grand retour ! ) , parfaite dans son rôle de mentor prête à tout pour son fils .
Comme souvent avec les productions italiennes , les images sont comme distinctes des paroles . Si les visages sont presque inexpressifs , les sentiments sont bien là , brassant l'air qui entoure les figures . La BO ( dont des chants féminins assez agaçants) alourdit d'ailleurs ces scènes ( trop) intimistes , créant finalement un équilibre presque parfait .
Cette sensation de vide , de mal être est incarnée à merveille et donne d'emblée envie de lire sa version manuscrite et originale , qui permettra peut-être de dé-chiffrer cette légèreté oppressante qui plane tout au long de l'oeuvre de Costanzo.
NOTE : 7,5 /10
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