Le sauveur
Eté 2015
Une zone industrielle. Un arrêt de bus où personne ne semble s'arrêter. Quelques voitures font silencieusement le plein, à la station essence la plus proche, comme si un convoi de voitures électriques cherchait désespérément des prises géantes. Le silence est apaisant, après des heures d'asphyxie de tubes de l'été et de cris stridents d'enfants en bas âge. Une après-midi un peu pourrie, mais dont on sort quelque part ragaillardi, comme si l'accès à la soirée avait été bien mérité. La température extérieure est supérieure à celle du magasin, atmosphère d'hammam en plein air.
Une femme entre deux âges vêtue de noir, à la silhouette concave et au sourire franc. Couverte pour l'été, à priori frigorifiée. Elle semble avoir attendu depuis des heures mais fait preuve d'une patience incroyable.Ses vêtements noirs flottent alors que le vent est inexistant. Je comprends immédiatement, il y a des signes qui ne trompent pas, y compris cette énergie feinte sur un visage émacié. Je ne porte aucun regard réprobateur, j'éprouve même de la sympathie. On regarde la route déserte, guettons la moindre apparition. Le premier bus a déjà du retard, finira par ne jamais venir. Un second bus doit suivre, n'arrivera pas non plus. Mais la nuit ne s'est pas encore vraiment engouffrée, l'été prolonge les journées. Est-il possible de s'endormir sur le banc rigide d'un abri bus ? Peut-on être bercé par les bruits lointains de l'autoroute, la tentative de faire du stop étant visiblement inutile, celle de marcher vaine et risquée. Comme souvent dans ce genre de situation qui fixe le temps et replace chacun à la même hauteur, on entame la conversation avec des inconnus, des échanges absurdes et catastrophés, tout est à remettre en question, à considérer sous un autre angle. Nous ne sommes que deux à quelques centaines de mètres à la ronde. Peut-être qu'un gros pick up s'arrêtera avec un conducteur prénommé Hank,qui nous emmènera manger des salades de maïs dans sa véranda avec sa femme Giselle, devant l'intégrale des dvd de Kirk Douglas ( ce serait bien le genre) .
Peut-être qu'aucun véhicule ne reviendra jamais, parce qu'on apprendra par la radio de la boutique de la station voisine que la route est désormais fermée et que les lignes droites blanches ne mènent nul part, sinon à un misérable abri bus et ses misérables voyageurs. Peut-être qu'un groupe de survivalistes vêtus de sacs à dos dignes de l'armée de terre sortira des galeries marchandes endormies dans lesquelles il aurait creusé des tunnels, organiserait un pique-nique avec tous les produits des têtes de gondole, et tenterait une communication avec des talkie walkie ( si le réseau disparaît on ne sait jamais) avant d'exécuter une flashmob sur la route parfaitement dégagée.
Peut-être que les serres voisines seraient encore ouvertes, et nous permettraient de tester les transats en bois et les salons de jardin les plus confortables, avant de tenter de griller du pain d'épice sur l'un des barbecue d'exposition. Peut-être qu'un groupe de dromadaires viendrait nous réceptionner parce que la chaleur aurait grillé tous les moteurs et que cette alternative étaient apparue exotique et originale pour le responsable des transports en commun qui rêve d'aller à Marrakech. En quelques secondes seulement, le scénario de cette étrange soirée se met en place, avant de faire place à un rebondissement inattendu.
Un autre bus surgit, s'arrête. La femme entre deux âges, soulagée, s'arrête dans une banlieue modeste de la ville, chargée de divers sacs en plastique que je n'avais pas remarqués au départ. Elle presse le pas, se volatilise. Le conducteur, notre sauveur, toise les quelques rescapés dans son rétroviseur, vêtu d'un polo saumon et de lunettes de soleil avec branche centrale en hauteur qui lui donne des faux airs de Freddy Mercury. Coïncidence amusante, Radio Gaga de Queen passe à la radio à ce moment là. La fatigue me fait penser qu'il danse à grand renfort de moulinets et d'effets de tête pas très concluants. Je me demande si les conducteurs ont des playlist spécifique ou zappent la radio aléatoirement. Il y a bien eu le fan de Shania Twain, de Mariah Carey ou même des Beach Boys. Et souvent le genre de standards qu'on n'entend que dans un bus et qu'on apprécie que dans un bus. Les transports en commun, le meilleur moment de la journée.
Peut-être que les serres voisines seraient encore ouvertes, et nous permettraient de tester les transats en bois et les salons de jardin les plus confortables, avant de tenter de griller du pain d'épice sur l'un des barbecue d'exposition. Peut-être qu'un groupe de dromadaires viendrait nous réceptionner parce que la chaleur aurait grillé tous les moteurs et que cette alternative étaient apparue exotique et originale pour le responsable des transports en commun qui rêve d'aller à Marrakech. En quelques secondes seulement, le scénario de cette étrange soirée se met en place, avant de faire place à un rebondissement inattendu.
Un autre bus surgit, s'arrête. La femme entre deux âges, soulagée, s'arrête dans une banlieue modeste de la ville, chargée de divers sacs en plastique que je n'avais pas remarqués au départ. Elle presse le pas, se volatilise. Le conducteur, notre sauveur, toise les quelques rescapés dans son rétroviseur, vêtu d'un polo saumon et de lunettes de soleil avec branche centrale en hauteur qui lui donne des faux airs de Freddy Mercury. Coïncidence amusante, Radio Gaga de Queen passe à la radio à ce moment là. La fatigue me fait penser qu'il danse à grand renfort de moulinets et d'effets de tête pas très concluants. Je me demande si les conducteurs ont des playlist spécifique ou zappent la radio aléatoirement. Il y a bien eu le fan de Shania Twain, de Mariah Carey ou même des Beach Boys. Et souvent le genre de standards qu'on n'entend que dans un bus et qu'on apprécie que dans un bus. Les transports en commun, le meilleur moment de la journée.