Mettre les pieds pour la première fois dans la Cinémathèque tombait à pic .
Refuge d' étudiants en cinéma , esthètes invétérés ou quidams curieux , le bâtiment visionnaire signé Franck o Gehry s'impose au bout de la rue de Bercy contrastant avec les grosses cavaleries mainstream de la salle de concert du même nom .
Haut lieu parisien du 7ème art , ce QG d'obsédés des salles obscures rassemble une impressionnante collection d'archives , bobines rares et accessoires exclusifs de tournages. Si les projections de films mexicains ( dont quelques perles de Bunuel ) vous évoquent plus une subite envie de tacos , il est toujours possible d' opter pour la sélection Jacques Perrin , icône proprette favorite de Costas Gavras ou Jacques Demy .
Les plus passionnés prêts à creuser pendant des heures la construction d'un long métrage trouveront leur bonheur dans le musée qui décortique en profondeur Metropolis ou le Silence de la Mort . Mais impossible de repartir sans plonger la tête la première dans la foisonnante rétrospective Stanley Kubrick , hommage géant au maître du cinéma d'anticipation.
De salle en salle , on pénètre dans l'univers méticuleux et inquiétant du réalisateur , parcourant chronologiquement les diverses facettes du personnage , un génie qui a su ulcérer les autorités et fasciner ses contemporains . Projets coups de poing et révolutions infinies , la visite nous donne instantanément d'enchaîner les soirées Lolita/Eyes wide Shut/Shining à tout rompre. Un cocktail Moloko + ( boisson que sirotent les droomies d'Orange Mécanique) qui sillonne les heures historiques les plus sombres ( notamment la guerre , sujet de prédilection de Kubrick ) à la vitesse des vaisseaux spatiaux de l'Odysée de l'espace.
Au lieu de suivre scolairement la genèse de chaque projet , l'expo s'attarde davantage sur tout ce qui en fait la construction . Décors , costumes , effets spéciaux ou techniques de tournage chères à ce maniaque du plan parfait , on y apprend aussi entre une réplique du casque de Full Metal Jacket ( annoté du célèbre slogan : Born to kill ) et les costumes cosmiques de l'Odyssée de l'Espace concoctés par Vogue que le directeur de la photographie occupe un rôle aussi important que le réalisateur lui-même . Assis sur un fauteuil roulant à main articulé , John Alcott a ainsi poursuivi Danny Lloyd pour Shining , pédalant dans les interminables couloirs de l'hôtel ( technique du Steadicam )
Lorsqu'on ne découvre pas qui tient réellement la caméra , on évolue parmi les sculptures phalliques sorties du monde d'Alex Delarge ( Orange Mécanique ) sur le fond musical oppressant que devient la 9ème symphonie de Beethoven . Scandaleux , tel pourrait être l'autre adjectif qui décrit le travail de Kubrick , qui aime traiter de sujets sensibles pour son époque
( mutineries ou viols gratuits) qui lui ont valu critiques incendiaires ,censures ou lettres de menaces .
Comme sur un plateau d'échecs ( passe temps fétiche de Stanley ) , les films s'entrecroisent dans une continuité logique , suivant consciencieusement une partie toujours conclue par un échecs et mats. Quelques projets audacieux n'ont cependant jamais vu le jour comme un bio-pic grandiose sur Napoléon ou Aryan Papers , mini bombe à retardement sur la Shoah .
Outre ses films références pour de nombreux grands cinéastes ( Spielberg le premier ) , Stanley Kubrick est aussi un oeil caustique derrière un appareil photo , vocation révélée à 16 ans , lorsqu'il envoya spontanément un cliché d'un homme meurtri par la mort du président Roosevelt au magazine Look . S'ensuit une collaboration régulière avec la revue qui apprécie les clichés directs et frondeurs de l'adolescent au regard déjà bien aiguisé . On se perd facilement dans le regard cerné et sans concession de ce perfectionniste accro à
l'impesanteur , qui mania l'ombre et la lumière sans jamais cesser de briller .
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