samedi 23 octobre 2010

Réflexions (démodées) de mode

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L'agence hollandaise Kessels Kramer suscite toujours l'étonnement par ses publications décalées et délicieusement ironiques . Un travail unique à découvrir ici


En mode _ comme dans beaucoup d'autres domaines d'ailleurs _ j'adopte une position pour le moins illogique , contradictoire . J'engurgite une dizaine de revues/blogs de mode par semaine , et serait pourtant facilement étiquetée " fashion faux pas vivant" par une blogueuse avisée. Une plouc esthète , est-ce possible , même si le terme fait oxymore sur les bords ? La tendance denim me passionne alors que me voir porter ladite toile relève de la science fiction. Le monde est cruel , le jean a été conçu pour tous , excepté moi . Passons .


En ces temps durs ( dramatisons un instant) , l'argent ne part pas en marques branchées dannoises ( que je porte en rêve) mais en feuilles raisin et carton plume ( les réjouissances des écoles d'art ) . J'aime quand le style reste abstrait voire inabordable , s'apparente à l'imaginaire . Ma penderie est partiellement vide , ma mémoire sélective archive quant à elle quantité de noms , dates , imprimés , couleurs , références jusqu'à saturation .


Les tendances m'intéressent lorsqu'elles ne relèvent pas de cet espèce de rigorisme aliénant . J'ai suivi les fashion week , en ne retenant non pas le nom des "tops de demain" ou des "must have de la saison' mais des inspirations , influences qui ont nourri les créateurs . Ce que j'aime par dessus tout dans cet univers pour le moins superficiel mais fascinant , c'est réfléchir sur son fonctionnement , décrypter les choses à l'envers ( vive la dénotation de Barthes !) .

Je vous éclaire avec ce livre déjà probablement estampillé "ringard" : " Fash Icon" (déniché chez Mona Lisait ) , sous titré " Le Pouvoir et l'influence du design graphique" .


L'ouvrage potasse mode sans jamais vraiment en parler , préférant mettre en lumière ses "contours", l'identité visuelle des griffes , en présentant ces inconnus sans qui l'empire de beaucoup d'enseignes s'écroulerait aussitôt . Morceaux choisis :


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Plusieurs pages sont consacrées à la maison Kate Spade , qui a sû conserver une image kitsch et chic incontournable . Campagnes publicitaires signées Tim Walker , stylisme par Karen Patch ( qui a travaillé entre autre pour le film de Wes Anderson " La Famille Tanenbaum" ) Kate Spade a façonné une enseigne coquette pour new-yorkaises à la fois guindées et excentriques , la juste dose pour justifier l'attirail "Breakfast at Tifanny" , un esprit Granny qui semble rythmer toutes les collections , auxquelles s'ajoutent une ligne de papeterie et accessoires pour néo Mary Poppins fans de scrap booking et friandes de décoration intérieure .



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Parmi les articles créatifs de Kate Spade , une couverture de livre à remplir de couvertures de livres , mise en abyme cocasse et ludique qui précise également que la cliente du magasin est très cultivée .

La stratégie Spade est en fait une affaire de famille .


On trouve en effet la bagagerie Jack Spade , marque aussi réputée pour ses influences pointues : Andy Spade ( créateur de la griffe et mari de Kate Spade ) s'est ainsi offert les services du réalisateur Mike Mills pour un court métrage : Paperboys , qui insufle le style Spade en quelques minutes . " L'esprit Jack Spade est à la fois terre à terre et rêveur , la quintessensse de la classe américaine en toute modestie . " Celui qui achète du Jack Spade sait qui est Gucci mais a choisi de ne pas vivre ce mode de vie ostentatoire . "Jack Spade est un artiste , fume des blondes comme son héros Jack Kerouac , répare la plomberie et roule à vélo sans casque ".

Sur son site officiel , la maison se définit ainsi par cet idiome : "The Real McCoy". Autrement dit une philosophie inhérente à la notion de "mode intemporelle et fiable" . Il est question de polos Lacoste , des marques classiques comme Timex , J Press , Oxxford ... de vieilles pièces Levis ... Jack Spade s'inspire des pilliers de l'habillement , les essentiels de toute garde-robe respectable tout en refusant les logos exhubérants . L'atmosphère des magasins ressemble à celles de vieux surplus de l'armée , une certaine franchise , des propositions ancestrales toujours efficaces qui font recette aux Etats-Unis depuis des lustres.


Typiquement new-yorkaise , la boutique propose en plus de sa gamme de sacs , basiques et accessoires ( dont cette fixette amusante pour le couvre chef de Marlon Brando ) des vélos ( une religion outre Atlantique où l'obsession écologique décuple de jour en jour ) , une sélection de livres pertinents dont "Honesty' , une étude sociologique photographique de chaque "neighborhood" de la Grosse Pomme , un court métrage avec le groupe Interpol , des opérations "guerilla stores" dans toute la ville , des débats d'auteurs ou ce concept étonnant d'enregistrements d'invididus lambdas contant leur vie en quelques minutes , une manière originale de donner la parole aux porteurs et non aux portants .



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On aborde aussi dans ce livre extrêmement fouillé les "secondes lignes" de grandes maisons telles Prada Sport dont la campagne de mannequins trop lisses rigidifie le côté épanouissant du sport . On note que toutes les baskets Prada possèdent des talons à bande rouge ( surveillez donc les chaussures des joggeurs suffisament privilégiés pour traîner des baskets à 800 € dans la boue ... ) .

Si le choix du mannequin Ali Stephens ( ex marathonienne ) s'avère judicieux pour cette campagne , les autres brindilles qui feraient une crise cardiaque après quelques minutes de tapis roulant rendent la démarche hypocrite . Au programme de cette ligne ? Des lunettes de soleil à forme aérodynamiques , des baskets et ballerines plus ou moins adaptées à l'effort , mais avant tout des vêtements aux coupes affutées et matières légères . En 2009 , Prada Sport devient Prada Linea Rossa , collection inspirée de la principale qui s'inscrit dans la lignée des collaborations et déclinaisons haute gamme d'Adidas ( Stella Mc Cartney , Yohji Yamamoto ( Y-3) ou la ligne chic Adidas SLVR ).





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Fash Icon mentionne aussi les pubs DKNY ( Donna Karan New York ) qui mettent en scène des new-yorkais au physique parfait déambulant ( voire courant , c'est bien connu les New-Yorkais n'ont pas une minute à perdre ) dans les rues vers leur salle de fitness , rejoignant probablement à vélo un loft arty de l'Upper East Side , avant de faire une sieste sur les feuilles du Central Park , attraper un New York Times au retour , tout en arborant les derniers looks de la saison qui ne vont qu'aux tiges nourries à la raw/vegan food ( longue jupe + creepers et queue de cheval désinvolte , ces pubs ont beau dater de plusieurs années , elles n'ont définitivement pas vieilli) . Il n'y a que sur le trottoir DKNY qu'on peut inventer des histoires aussi stylées où tout le monde est heureux et glamour ... Est-ce que Donna Karan nous snoberait du haut de son skyscraper ? Rien n'est moins sûr ...

Après avoir découvert les visuels très british ( et très BCBG ) de Thomas Pink destinés à une jeunesse huppée rangée , le livre s'attarde sur la communication monstre de Diesel : un travail maintes fois récompensé ou critiqué pour sa provocation gratuite et son sens de la dérision au services de causes plus ou moins plausibles ( environnement , droit de s'éclater , de coucher à droite à gauche ... ) . Certaines pubs valent néanmoins le détour : 1 ; 2 ; 3 ; 4

Fashion Icon . Mike Toth / Rockport Publishers ( disponible sur Amazon)

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