mercredi 23 juillet 2014

There're no more Yorkshire in Yorkshire dude



.

C'est un tragique constat que je tire au terme d'une semaine rocambolesque au royaume de George Michael: il n'y a pas plus de Yorkshire ( je fais ici référence au compagnon à quatre pattes) dans le Yorkshire. Pour te remettre de cette révélation fracassante qui risque de te tourmenter à jamais , je te suggère d'exprimer ton chagrin lancinant en chanson sur ce tube de karaoké interprété par le chanteur de Wham et son légendaire balayage. George pleure quant à lui sa tromperie estivale avec quelques accessoires d'esprit Fort Boyard du plus bel effet.

Me voici donc de retour en terre sacrée mentholée, 3 ans après un saut à Luton et 7 ans après une échappée à Pagham inoubliable.


Good Bye Rory



Cette année direction le Nord dans une région que je n'avais pas encore exploré: le Yorkshire. Pas de voyage princier cette fois-ci ( enfin Ryanair ), j'ai opté pour une traversée en ferry et ses animations habituelles. Les amusements à tous les coins ( arcade party), les consignes pour gilet de sauvetage qui te font regretter amèrement d'avoir revu Titanic quelques jours avant le départ ( en réalité c'était un reportage sur le come back flamboyant de Céline Dion mais par analogie ça revient au même) et des heures à tuer à siroter de la sparkle water devant un spectacle de magie ahurissant/affligeant.


Equipage au toooooooooooooooooop.

Je gamberge dans les couloirs entre les cabines, tangue sur le pont en écoutant des conversations d'écossais sexagénaires portés sur le bacon ou de pré-ados en crise "enrolés" dans des voyages linguistiques, avant d'aller  feuilleter quelques pages de Company dans le kiosque du coin boutique. Ah comment se passer d'un tel accolyte que Company! 

Ce magazine d'intellectuels vous explique comment se faire une bouche de poulpe avec un gloss et détaille les dernières audaces vestimentaires de  Fearne Cotton. Tu connais pas Fearne Cotton ? Bah moi non plus. Company a beaucoup à t'apprendre, Fearne c'est une IT GIRRRRRL depuis des lustres, genre de Alexa Chung en plus accessible  ( une égérie à mi chemin entre Sainsbury et Burberry si on devait la situer).



Company, revue philosophique qui va changer ta vie



Afin de rester dans le registre sirupeux ringardos, tu peux poursuivre la lecture de cet article avec ce titre de Cock Robin grandement utile à fredonner dans certaines circonstances du quotidien ( exemple: tu m'avais promis d'acheter du Carex ( marque de savon anglaise), remember the promise you made). Il est vrai que j'associe souvent mes souvenirs d'Outre Manche à des vieilleries du genre, va savoir pourquoi ( je précise que je suis pourtant née en 92).






Je vais contredire une autre idée reçue accablante sur le Royaume-Uni, la nourriture saine y est omniprésente. Je trouve donc sans difficulté un sandwich idoine au tartare de légumes pour quelques livres et repars vaquer à mes occupations.

Le premier soir, notre formidable hôte nous emmène dans l'un des meilleurs restaurants indiens de York: The Saffron et sa carte impressionnante. J'opte pour un Karahi Veg, curry très parfumé aux légumes divers( dont des choux fleurs qui cassent la baraque). Je précise "mild", car même si nous ne sommes pas à New Dehli, la cuisine indienne britannique explose en bouche jusqu'à te donner un regard à la croisée d'un albinos et d'un protagoniste de Twilight. J'avale le mets avec précaution par petites bouchées jusqu'à cette sorte de poivron qui se révèle ne pas être un poivron...Je n'en sortirais pas indemne...

La journée suivante est consacrée à une excursion plus approfondie dans York où la température est plus que clémente. C 'EST LA CANICULE !! Eh ouais  tu as bien entendu, ce n'est pas de la science fiction, il est temps d'arrêter avec ces considérations dépassées selon lesquelles on porte toujours des bonnets au mois de Juillet dans le Nord, j'ai dû utiliser un ventilateur ! S'ensuit une déambulation paisible dans les Shambles ( rue très ancienne de la ville rappelant le Chemin de Traverse d'Harry Potter où tu es presque étonné de ne pas trouver d'apothicaire à la place du Miss Selfdriges).


Je remarque que beaucoup de spécimens féminins ont adopté la chevelure Hairshalk ( ou coloris capillaires Teletubies) et écoutent à tue tête East Indian Youth, jeune anglais bien peigné semblant échappé d'Eaton, qui a décidé de dilluer un peu d'acide dans son porridge matinal. ENJOY.( l'expression favorite des habitants du Yorkshire à l'hédonisme communicatif que j'ai entendu tout au long de mon séjour).


Les paradis artificiels en blazer


Alan Rickman ( alias Severus Rogue), décontenancé devant le port d'une tenue hivernale dans le Yorkshire- et pas par la baignoire sur gazon c'est un anglais-. ( Blow Dry, comédie freaky de coiffeurs dans le Yorkshire).

Les déjeuners sur le pouce sont toujours exotiques et relevés comme cet étonnant wrap au falafel, chou,carottes et raïta parfumée à la coriandre qui est en fait un "classique" dans la région dans les chaînes de restauration rapide un peu haute gamme. 
 Inutile de préciser ma fascination pour les supermarchés anglais qui se visitent comme des cabinets de curiosités et aux consonnances ensorcelantes ( chacun son trip): Sainsbury, Asda, Waitrose, Tesco, Morrisons...


Je retourne revigorée avec un sourire d'abrutie dans mon logement d'accueil tout droit sortie d'une émission de décoration riche en "nice property", type House Invaders. Parmi les centaines d'émissions dédiées à la maison ( la grande passion des Anglais à égalité avec les fontaines en forme d'écureuil et la confection de sponge cake), House Invaders m'a beaucoup marqué.

 Peut-être est-ce lié à cette musique de publicité pour tondeuse enjouée ou au fait que les animateurs saccagent gaiement des intérieurs avec leurs pochoirs et bricolages approximatifs.


   




Je parcours ensuite One and Other, magazine gratuit régional vantant les mérites de l'adaptation d'une pièce d'Oscar Wilde qui illustre bien mon humeur du moment:"The Importance Of Being Earnest ".


Amazing amazing amazing


Terminant la soirée par un débat animé sur l'un des pires navets SF de l'histoire de l"humanité ( Sharknado, des requins qui sortent de tornades, WTF ?!), je démarre un visionnage intensif de Luther, série policière bien ficelée et subtiel, à mi chemin entre Esprits Criminels et Lie to Me et évidemment anglaise. 


Après une brève recherche, je constate que Hit and Miss, polar sombre suivant les cavalcades d'un transexuel tueur à gages ( Chloe Sevigny) a été tourné dans la campagne verdoyante et finalement inquiétante d'un village perdu du Yorkshire. Une série torturée avec quelques longueurs mais bien écrite, qui ne remet plus en doute le talent d'actrice de la coqueluche d'Opening Ceremony.


Oui le Yorkshire ça fait un peu peur


Je m'endors en espérant me réveiller dans ce même endroit surréel pour nous pauvres froggies lambdas: une maison immense pour ronronner devant East Enders diffusé sur écran géant, espace classieux aux murs et sol immaculés à la pointe de la modernité et du confort, où même la porte d'entrée t'adresse la parole, sans parler du garde manger rempli de tous les mueslis imaginables, des abris de luxe pour chauve souris, des œuvres d'art à tous les coins et de la vue imprenable sur le bois attenant et l'éolienne: serais-je dans un épisode de Cribs version britannique ?

La journée suivante est dédiée à la flânerie au grand air, à commencer par la visite de Wakefield et ses musées déconcertants dont The Calder, sorte de grange moderne  accueillant des installations d'artistes hyper trop "concept" que tu peux pas comprendre si t'es pas arty. Ce jour là, un individu apparemment marqué par l'imagerie Michelin ou peut-être épris d'un routier ( on peut tout imaginer) avait étalé des pneus partout et rendait le film "Rubber"( thriller de Quentin Dupieux avec un pneu tueur) plus que crédible : les roues de voiture ont un pouvoir horrifique sous estimé.

The Calder, où aurait pu être tournée cette scène prodigieuse de tango de Tom à la ferme ( il est toujours possible de citer Xavier Dolan dans un article).


La journée s'achève par une halte au Yorkshire Sculpture Park où mon regard croise avec stupéfaction des lapins géants qui incarnent bien à mon avis les symboles du pays. Lewis Carrol ( Alice au pays des merveilles), Sacré Graal ( Monty Python)... les lapins aux antipodes de Pan Pan sont partout. Ici, les lapins pourraient être rebaptisés "bunny" et ont des corps de mannequins Playboy... Je reparlerai d'ailleurs de lapin un peu plus tard, stay tuned...

Sur la route du voyage retour, je réecoute quelques vieux épisodes de la regrettée The Breezeblock, émission pêchue de la BBC Radio 1 mélangeant des mix d'artistes mainstream et underground ( de The Avalanches à Thievery Corporation à Spiritualized en passant par Laurent Garnier) tout en ratissant tous les genres musicaux, jusqu'aux plus méconnus ( comme l' oldschool jungle). Le programme est présenté par Mary Anne Hobbs ( au parcours  atypique) et entrecoupé de minis sketchs du génial Ricky Gervais. ( à retrouver sur Youtube)

Direction Harrogate le lendemain où je comprends que l'heure du tea time sonne l'arrêt de toute activité: les musées ferment, que les parcs sont un enchantement permanent, que les soins de Thalasso du 19ème siècle étaient un chouia bizarroïdes:




 Que les chiens anglais ont une démarche distinguée  ( oui tout à fait), que papillonner dans les ruelles aux multiples arcades est devenue l'une de mes activités favorites, que j'aurais bien pu croiser Maggie Smith une tasse de Earl Grey à la main toujours habillée à la mode Downtown Abbey, ou pourquoi pas avec un look Swinging London:

Magnificent Maggie Smith (1964)- future professeur McGonagall


Harrogate , la ville aux arcades interminables, terre promise pour néophytes du tea time

Au détour de mon lèche vitrine ( itinéraire topshop/primark/asda/oxfam...) je retourne chez Whistles, enseigne que je trouvais soporifique qui a révisé son style avec succès et pourrait bien devenir le COS anglais ( minimalisme sophistiqué, coupes impeccables, touches contemporaines, belles matières): reste un gros bémol, les prix toujours inaccessibles.


La mannequin est elle-même atterrée par ce gros foutage de gueule



De retour au Lodge, je me plonge dans l'histoire du cinéma du Yorkshire. J'opte pour "This is England", film culte de Shane Meadows également décliné en série TV, capturant le quotidien agité d'une bande de skinheads au début des années 80.









 Les paysages sont aussi le décor emblématique de Kes, drame de Ken Loach sorti dans les années 70 aux prairies ondoyantes entourées par les usines de sidérurgie. 




Le Guide du moutard:

A noter que si tu as 7 ans ou que tu es un brin attardé, le Yorkshire regorge d'attractions hautes en couleur comme un parc à thèmes Angry Bird ( les anglais vouent un culte aux amusement parcs qu'ils dédient à tout et n'importe quoi, de Postman Pat à Dora), le musée du Viking pour révéler ton penchant scandinave ( que les géniteurs apprécieront aussi ) ou le Light Water Valley qui remporte la palme du dépliant le plus hideux du monde. ( qu'est-ce que c'est que ce gamin défoncé?!!).

Je termine ma journée de parfaite touriste illuminée suivant consciencieusement les conseils avisés du guide par la visite de Fountains Abbey, des monastères XXL en pleine nature. La promenade se transforme rapidement en randonnée où je finis par m'asseoir victorieuse sur le fauteuil en pierre préféré d'une reine obscure qui s'est fait tranché la gorge ( so charming).

Le soir venu, notre hôte nous emmène dans un minuscule restaurant tenu par des italiens où la sauce tomate/basilic est plus qu'honorable. Après la cuisine indienne ( et ses restaurants installés tous les 50m), la cuisine italienne occupe une place de choix dans la gastronomie anglaise et propose d'ailleurs des spécialités plus créatives que le sempiternel combo pizza marguerita/bolognaise.

Début du weekend, notre hôte nous convie dans sa vaste demeure de campagne dans un bled excentré où les chevaux sont probablement plus nombreux que les êtres humains. La maison ressemble à un coquet cottage géant où les figurines de Glastonbury côtoient les technologies dernier cri, les vitraux, les robots ménagers de pointe, un anachronisme décoratif pour le moins amusant. Je fais la connaissance d'un lapin dodu baptisé The Rabbit qui a apparemment des tendances psychopathes.

Je goûte pour la première fois du poulet sans poulet de la marque Quorn ( escorté d'une ribambelle de légumes snackés, restons gourmet quand même), qui fait fureur outre manche  et prône le mantra "meat is murder, god save the hedgehog". TASTY

L'escapade champêtre continue le lendemain dans un pub à la coule, où je commande une Wellington aux légumes du soleil vegan ( la nourriture végétalienne est présente même dans le tout petit patelin de la région), sorte de brick britannique plutôt goûteux et regain d'énergie idéal avant d'aller caracoler dans le pré voisin. La grande vie.



Les dernières heures avant l'embarquement dans le ferry me permettent d'aller faire un saut à Oxford, envahi ce jour-là par une horde de japonais surexcités par les "décors naturels d'Harry Potter". Il est temps de rentrer...

Une seule pensée me traverse l'esprit en flottant vers le port de Caen: est-il concevable de revenir à la nage dans la nuit ? Je vous laisse méditer sur ce projet fantasque avec un aperçu de Byzantium, superbe film de Neil Jordan au casting 3 étoiles britanno-irlandais, dont Sam Riley, originaire du Yorkshire .



Aucun commentaire: